Quel matériel pour photographier les nébuleuses ?

Beaucoup de photographes pensent qu’il faut du matériel onéreux et encombrant pour photographier les nébuleuses, mais comme nous allons le voir dans cet article, ce n’est pas réellement le cas :) Quel appareil est nécessaire pour faire ces clichés ? A-t-on besoin d’un télescope ? Les réponses dans la suite de ce billet !

Star Adventurer, EOS RP défiltré, Samyang 135 mm f/2, filtre Rollei Astroklar, ISO 3200, f/2, 1h14 (30s x 148)

La monture équatoriale

Les nébuleuses sont peu lumineuses et il faut donc faire des poses longues pour les photographier. Cependant, comme la terre est en train de tourner, le temps de pose maximale que l’on peut normalement utiliser est très limité. C’est pour cette raison qu’il faut faire l’acquisition d’une monture équatoriale pour faire ce genre de clichés. Ces appareils motorisés compensent pour la rotation terrestre et nous permettent ainsi d’utiliser des temps de pose beaucoup plus longs et donc de récupérer bien plus de lumière qu’avec un simple trépied. Néanmoins, pour faire fonctionner un de ces appareils, il faut d’abord l’orienter vers l’axe de rotation de la Terre. On appelle cette opération la mise en station.

La monture équatoriale que je conseille pour débuter en astrophotographie du ciel profond est la Star Adventurer 2i de la marque Skywatcher. Elle coûte environ 400€, est vendue avec un système de contrepoids, peut être alimentée avec des piles AA ou une batterie USB et supporte une charge maximale de 5 kg, ce qui est suffisant pour la majorité des photographes.

Cependant, il faut savoir qu’une monture ne permet pas d’utiliser un temps de pose illimitée. Par exemple, si vous tentez de faire des photos de 10 min avec un 600 mm sur une Star Adventurer, les images seront floues. En effet, chaque monture a un certain niveau de précision mécanique que l’on exprime en mesurant son erreur périodique en arcsecondes (ce sont des fractions de degrés, une seconde d’arc correspond à 1/3600 degré, soit 0.00027 degré environ).

La Star Adventurer est suffisamment précise pour utiliser des temps de pose d’une minute à 300 mm environ ce qui est suffisant pour photographier de nombreux sujets dans l’espace.

En somme, cette monture est compacte, légère, peu onéreuse et suffisamment performante pour débuter en astrophotographie.

Note : il existe une autre monture, très similaire à la Star Adventurer, mais légèrement plus onéreuse : la iOptron Skyguider Pro.

L’appareil photo

a) Le type d’appareil photo

Pour photographier les nébuleuses, il est conseillé d’utiliser un appareil photo numérique (APN) à objectifs interchangeables, c’est à dire un reflex ou un hybride. Vous pourrez ainsi utiliser des objectifs bien adaptés au sujet que vous photographiez dans le ciel nocturne. D’ailleurs, on peut également utiliser ces appareils avec des lunettes astronomiques ou des télescopes :)

Note : Il existe aussi des appareils dédiés à l’astrophotographie que l’on appelle des caméras astro, mais on peut obtenir d’excellents résultats avec un reflex ou un hybride.

b) La taille du capteur et des photosites

Pour ce type d’astrophotographie, on peut utiliser des APN dotés de capteurs micro 4/3, APS-C ou Plein Format. Tous ces formats peuvent produire d’excellents résultats.

On lit souvent que le capteur doit disposer de grands pixels/photosites pour être performant en astrophotographie, mais aujourd’hui, ce n’est pas réellement le cas. Le bruit en photographie est un sujet passionnant et très complexe, mais en somme il existe trois sources de bruit qui sont plus ou moins importantes :

Bruit de photon > Bruit de courant d’obscurité > Bruit de lecture

La taille des photosites influe uniquement sur la quantité de bruit de lecture et il s’agit de la plus petite des trois sources de bruit en astrophotographie. Ainsi, dans la majorité des cas, la taille des pixels du capteur a très peu d’influence sur le rapport signal/bruit (le niveau de bruit) des clichés.

Exemple à ISO 3200, Nikon D5 (20 mégapixels) à gauche vs Nikon D850 (45 mégapixels) à droite :

Images provenant de DPReview.

c) L’uniformité et les RAW prétraités

Lorsque l’on traite les clichés de nébuleuses, il faut accentuer l’exposition et le contraste pour révéler toute la beauté cachée de ces incroyables sujets. Lors de ces traitements, les imperfections du capteur et de l’électronique de l’APN peuvent devenir visibles sur certains APNs. On voit alors apparaitre des variations anormales de luminosité sous forme de bandes ou de tâches (banding, amp glow, etc.).

Dans cet exemple, j’ai pris une série de 5 photos de 10 min à ISO 3200 avec mon Canon 550D (commercialisé en 2010) sans enlever le capuchon de l’objectif (C’est ce que l’on appelle des Dark Frame). J’ai ensuite combiné ces clichés pour créer un Master Dark et pour finir, j’ai augmenté fortement l’exposition de l’image (stretch arcsinh 1000) :

Le résultat n’est pas catastrophique, mais manque tout de même d’uniformité. On voit apparaitre quelques bandes et surtout des variations d’exposition.

Heureusement pour nous, la majorité des appareils photo modernes (qui ont moins de 10 ans environ) produisent des clichés très uniformes. D’ailleurs, les problèmes d’uniformité peuvent se corriger grâce aux images de calibration (Dark, Offset et Flat frames) et on peut donc créer d’excellentes astrophotographies même lorsque l’appareil produit des clichés qui manquent d’uniformité.

Il faut aussi noter que certains fabricants d’APN appliquent des traitements aux fichiers RAW que l’on ne peut pas désactiver. Par exemple, chez Sony il y a un algorithme qui confond les étoiles avec des pixels chauds qui est surnommé le Star Eater. À cause de ce dernier, le rendu des étoiles est détérioré (apparence et couleur anormale). Ce traitement est plus ou moins destructif en fonction de la génération de l’appareil photo et du nombre de mégapixels.

En astrophotographie, dans l’idéal, on utilise donc un appareil qui produit des images très uniformes et qui n’applique pas de traitements aux fichiers RAW. Néanmoins, on peut obtenir de bons résultats avec pratiquement tous les APN du marché.

d) La sensibilité

On exprime la sensibilité d’un capteur avec un pourcentage qui correspond à son efficacité quantique (Quantum efficiency / QE). Vu que l’on manque de lumière en astrophotographie, on souhaite donc que l’appareil photo ait l’efficacité quantique la plus élevée possible. Malheureusement, la majorité des mesures de QE que l’on voit sur internet sont inexactes. En effet, les traitements appliqués aux fichiers RAW par les fabricants d’APN faussent les mesures de sensibilité. Néanmoins, tous les appareils modernes ont une QE relativement élevée et produisent donc de bons résultats.

e) Le défiltrage

Nos yeux ne voient qu’une partie du spectre de la lumière et nos boitiers sont conçus pour capturer le monde comme on le voit. Ils sont donc équipés de filtres qui bloquent la lumière que l’œil humain est incapable de voir (la lumière ultraviolette et infrarouge).

Cependant, beaucoup de sujets dans l’espace sont proches de l’infrarouge et les filtres de nos APN réduisent fortement la sensibilité à ces sujets rouges. Par exemple, d’origine, les appareils photo ont une sensibilité de 20 à 30% aux émissions Hydrogène Alpha (H-Alpha ou Hα, 656,3 nanomètres de longueur d'onde). Pour remédier à ce problème, on peut enlever certains filtres qui sont devant le capteur afin d’augmenter fortement la sensibilité à ces sujets. On appelle cette pratique le défiltrage et grâce à cette modification, la sensibilité à cette raie d’émission passe à pratiquement 100%.

Ainsi, un appareil défiltré pourra produire en une heure ce qu’un appareil normal fera en 4 à 5 heures lorsque l’on photographie des sujets rouges. Cependant, si l’on photographie un sujet d’une autre couleur, le défiltrage n’aura pratiquement pas d’influence sur le résultat.

La région du Cygne - Star Adventurer, EOS RP défiltré, Samyang 135 mm f/2, filtre Rollei Astroklar, ISO 3200, f/2, 40 min et 30s (30s x 81)

Pour finir, je tiens à préciser que vous pouvez débuter en astrophotographie avec un appareil photo standard et créer de magnifiques images des nébuleuses. Le défiltrage améliore considérablement la qualité des clichés de nébuleuses rouges, mais on peut s’en passer lorsque l’on débute.

Pour plus d’informations sur le défiltrage ou pour vous procurer un APN défiltré, vous pouvez allez sur IRPhotoMax.

f) Des exemples de modèles

Pour commencer, je vous conseille d’utiliser le matériel que vous possédez déjà, mais si vous souhaitez faire l’acquisition d’un boitier pour l’astrophotographie, les reflex représentent généralement le meilleur rapport qualité/prix. Voici quelques exemples de reflex bien adaptés à cette pratique photographique :

Des modèles APS-C :

  • Canon 200D, 250D, 800D, 850D, 77D, 80D, 90D, 7D Mark II

  • Nikon D5300, D5400, D5500, D5600, D7100, D7200, D7500

Des modèles Plein format :

  • Canon 6D, 6D Mark II, 5D Mark IV

  • Nikon D610, D750, D780, D800, D810, D850

L’objectif

a) La longueur focale

De nombreux photographes imaginent qu’il faut disposer d’un télescope ou d’un énorme téléobjectif pour photographier les nébuleuses, mais en réalité, il y a des sujets immenses dans le ciel. On peut donc les photographier avec des longueurs focales courtes comme 50, 85, 100 ou 135 mm.

Exemple d’une photo réalisée avec un 135 mm et un APN plein format :

Polaris et IFN - Star Adventurer, EOS RP défiltré, Samyang 135 mm f/2, filtre Rollei Astroklar, ISO 3200, f/2, 1h40 (30s x 200)

D’ailleurs, il est même conseillé de se focaliser sur ce genre d’objectifs lorsque l’on débute. En effet, plus la longueur focale utilisée est grande et plus la mise en station de la monture équatoriale devra être précise et inversement. De plus, comme expliqué précédemment, les petites montures comme la Star Adventurer ne sont pas bien adaptées aux longueurs focales très élevées.

b) Ouverture

À cause du manque de lumière, il vaut mieux s’orienter vers des objectifs dotés d’une grande ouverture comme f/1.4, f/2 ou f/2.8 par exemple. On pourra ainsi récupérer beaucoup de lumière et utiliser des temps de pose relativement courts entre 30 et 120s. Comme pour les longueurs focales courtes, la mise en station n’a pas besoin d’être très précise si le temps de pose utilisé n’est pas très élevé.

c) Qualité optique

En astrophotographie, tous les défauts optiques de l’instrument (objectif) utilisé sont visibles. Il existe 5 aberrations qui peuvent détériorer le rendu de nos clichés :

  • Les aberrations chromatiques

  • Les aberrations sphériques

  • Les aberrations comatiques

  • L’astigmatisme sagittal

  • L’astigmatisme tangentiel

Ces défauts optiques se voient davantage dans les coins du cadre et s’amoindrissent lorsque l’on referme l’ouverture de l’objectif (à l’exception de l’astigmatisme tangentiel qui a tendance à ne pas disparaitre).

Voici le rendu des étoiles dans le coin supérieur droit du cadre avec un Sigma ART 14 mm f/1.8 sur un appareil plein format.

L’image de gauche a été prise à f/1.8 et celle de droite a été prise à f/2.8. Cet objectif est particulièrement performant et ne présente que peu d’aberrations même à sa pleine ouverture, cependant on voit que les étoiles sont plus rondes sur l’image de droite.

d) L’objectif idéal pour débuter

En somme, l’objectif idéal pour commencer à photographier les nébuleuses dispose d’une longueur focale relativement courte, d’une grande ouverture et d’une excellente qualité optique. Un des meilleurs objectifs pour ce type de photographie est le Samyang 135 mm f/2. Sa qualité optique est excellente et il coûte environ 500€ ce qui est très raisonnable au vu de ses caractéristiques.

Pour connaitre les performances d’un objectif, vous pouvez utiliser Lenstip qui est à ma connaissance, le seul site web qui teste la gestion de ces aberrations.

Cependant, je tiens à préciser que leurs tests ne sont pas toujours représentatifs des résultats réels que l’on obtient sur le terrain. Et je vous conseille donc de regarder également des clichés pris avec l’objectif qui vous intéresse avant de l’acheter.

Le trépied et la rotule

a) Le trépied

Vous n’avez pas besoin d’un trépied particulièrement onéreux pour faire de l’astrophotographie, mais il doit être solide et stable. Le carbone est plus rigide et absorbe mieux les vibrations que l’aluminium, mais c’est également plus onéreux. Il faut donc choisir en fonction de votre budget, mais il existe deux modèles en carbone qui me semblent particulièrement intéressants :

  • Le Benro TMA37C Mach3 9X CF Series 3 : 300€

  • Le Rollei Rock Solid Alpha Mark III : 350€ (avec une rotule)

b) La rotule

Si vous utilisez un objectif doté d’une bague de fixation, vous n’aurez pas besoin de rotule puisqu’il se fixera directement au système de contrepoids de votre monture. Mais si ce n’est pas le cas, il faudra opter pour une rotule de bonne qualité afin que rien ne puisse glisser pendant la session de prise de vue.

Les accessoires

Vous n’êtes pas obligé d’acheter les accessoires suivants pour photographier les nébuleuses, mais ils peuvent faciliter vos sessions de prise de vue et améliorer, parfois fortement, la qualité de vos clichés.

a) La lampe frontale à lumière rouge

Afin de garder les mains libres lors de vos sessions, je vous conseille vivement d’investir dans une lampe frontale à lumière rouge. La nuit, nos yeux ont besoin de 20 à 30 minutes pour s’adapter totalement à l’obscurité et si vous allumez régulièrement votre smartphone ou une lampe frontale à lumière blanche, vous ne pourrez pas voir correctement le ciel nocturne. Pratique et peu onéreuse (une vingtaine d’euros), c’est un accessoire que je vous conseille d’acheter si vous souhaitez vous mettre à l’astrophotographie.

b) Les masques de bahtinov

Faire la mise au point en astrophotographie n’est pas une tâche aisée, mais il existe un accessoire qui peut nous aider : le masque de bahtinov. Ce dernier se place à l’avant de l’objectif et fait apparaitre des aigrettes (traits) grâce à la diffraction de la lumière. En changeant la mise au point, on voit que les aigrettes se déplacent et lorsqu’elles passent toutes par le centre de l’étoile, on sait que la mise au point est parfaite. Le prix de cet accessoire est variable, mais on en trouve facilement pour une vingtaine d’euros.

c) Les bagues de fixation

En plus d’une mise en station réussie, votre matériel doit être bien équilibré pour que la monture fonctionne de manière optimale. Le système de contrepoids fourni avec la Star Adventurer permet d’équilibrer la monture sur l’axe d’ascension droite, mais il faut également équilibrer le matériel sur l’axe de déclinaison. Pour ce faire, une bague de fixation est souvent nécessaire.

Certains objectifs comme les 70-200 f/2.8 sont fournis avec cette bague, mais dans d’autres cas, il faut l’acheter séparément. Dans le cas du Samyang 135 mm f/2, il n’y a pas d’emplacement prévu pour mettre une bague de fixation, mais il existe quelques modèles compatibles avec cet objectif comme celle de William Optics qui est conçue pour la lunette astronomique RedCat 51. Elle coûte entre 60 et 70€ ce qui est relativement cher, mais elle est de très bonne qualité.

d) Les filtres contre la pollution lumineuse

Dans beaucoup de pays, il est difficile de trouver un lieu exempt de pollution lumineuse pour photographier le ciel nocturne, mais on peut s’équiper de filtres qui bloquent en partie cette lumière indésirable. Ils coûtent généralement entre 50 et 200€ et peuvent améliorer sensiblement le rendu de vos clichés.

En réduisant la quantité de pollution lumineuse qui percute le capteur, les dégradés et le bruit s’atténuent. Cependant, il faut noter que ces filtres provoquent également des décalages colorimétriques qu’il faudra donc corriger en post-traitement. D’ailleurs, il existe également d’autres types de filtres dédiés à l’astrophotographie, comme les filtres à bande étroite par exemple.

e) La bande chauffante

Dans certaines situations, de la buée peut se former sur le verre de notre objectif ce qui rendra les clichés inexploitables. Pour remédier à ce problème, vous pouvez vous équiper d’une bande chauffante qui coûte une vingtaine d’euros.

f) Les batteries

Pour alimenter votre monture, mais également votre bande chauffante, vous pouvez vous équiper d’une batterie USB. Cependant, il faut bien vérifier qu’elle supporte le mode “trickle charge”. En effet, une petite monture comme la Star Adventurer ne consomme que très peu d’énergie et beaucoup de batteries USB se mettront en veille au bout de 30 secondes puisqu’elles ne détectent pas la monture. Les batteries Anker comme la PowerCore Essential 20000 supportent ce mode et fonctionnent correctement avec la Star Adventurer.

Conclusion

Comme vous avez pu le constater, il y a beaucoup de facteurs à prendre en considération lorsque l’on souhaite photographier les nébuleuses. Cependant, à l’inverse d’une croyance populaire, le matériel nécessaire n’est pas particulièrement cher ou encombrant. La seule chose dont vous ne pouvez pas vous passer est la monture équatoriale, mais une petite Star Adventurer ne coûte que 400€ ce qui beaucoup moins cher qu’un objectif haut de gamme. Une fois que vous êtes équipé d’une monture, vous pouvez vous lancer et commencer à photographier les nébuleuses :) J’espère que cet article vous a plu et que vous avez appris des choses.

Bonne journée, bonne photo et n’hésitez pas à me poser des questions si vous en avez ! :)

Sources :

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